Les soirs de Noël ont une saveur particulière à Andenne. En effet, on y pratique encore une tradition vieille de 200 ans : les Trairies, un jeu cartes traditionnel qui permet de remporter des cougnous !
Les règles du jeu
- Les 10 joueurs s’acquittent de leur mise et se réunissent autour d’une table.
- L’un d’eux est désigné par les autres pour battre les cartes une première fois. Le premier batteur mélange les cartes puis donne le paquet à son voisin de droite qui les coupe. Le batteur récupère les cartes coupées et les passe à son voisin de gauche qui les distribue. La distribution se fait dans le sens des aiguilles d’une montre.
- Chaque joueur reçoit sa carte. Le distributeur se sert en dernier et retourne la première ou la dernière carte du paquet (sur ce point l’usage hésite). Cette carte devient l’atout.
- Les 10 joueurs retournent ensuite leur carte. Le gagnant est celui qui dispose de la carte la plus haute dans la couleur de l’atout. Par exemple, si c’est le 8 de trèfle qui est l’atout, c’est la carte la plus haute en trèfle qui l’emporte. Si aucune carte ne tombe dans la couleur de l’atout, la manche est rejouée. Les cartes sont alors distribuées par un autre distributeur.
- Le gagnant de cette première manche gagnait autrefois un gros cougnou (Li Prumî). Il reçoit aujourd’hui une bûche de Noël.
La deuxième manche reprend selon le même scénario. À partir de cette manche, les gagnants remportent des cougnous dont le poids diminue progressivement : un cougnou de 1kg (Li Deûzinme) pour la deuxième manche, un cougnou de 500gr (Li Trwèsinme) pour la troisième, un cougnou de 250gr (Li Quatrinme) pour la quatrième et un tout petit cougnou de 125gr (Li Trôye – la truie) pour la cinquième et dernière manche.
Les origines de la tradition
L’origine des Trairies reste, encore aujourd’hui, assez mystérieuse. Certains historiens évoquent le 17ème siècle, d’autres le 18ème siècle et d’autres encore évitent d’aborder la question… S’il est difficile d’arrêter une date précise, on peut cependant affirmer que les premières mentions officielles des Trairies remontent au début du 19ème siècle.
Sur l’étymologie du mot aussi les opinions divergent. Il pourrait s’agir d’un mot d’origine latine, le verbe trahere, ou d’origine wallone, le verbe trêreye, signifiant tous deux tirer. Latine ou wallonne, les deux étymologies font référence au tirage au sort, au hasard, élément central du jeu des Trairies!
Les Trairies à Andenne
Au début du 20ème siècle, à Andenne, les Trairies se déroulaient dans les trois boulangeries de la Place du Perron et déjà, les Andennais se déplaçaient en masse pour l’occasion. Dans ces établissements, caves, chambres, cuisines et greniers étaient réquisitionnés… On estime que ce n’étaient pas moins de 270 parties qui y étaient jouées et près d’une tonne de cougnous qui était mise en jeu ! Les réjouissances débutaient après la messe de minuit et se poursuivaient jusqu’à l’avant-dîner du 25 décembre. Elles reprenaient ensuite le 26 décembre, jour de la Saint-Etienne, anciennement chômé à Andenne.
Après avoir été dénigrées à la fin du 19ème siècle, les Trairies ont été remises à l’honneur après la Première Guerre mondiale. Depuis lors, elles font à nouveau la fierté et la joie des fêtes de fin d’année andennaises !
Et ailleurs ?
Contrairement aux idées reçues, nous ne sommes pas les seuls à faire perdurer la tradition des Trairies. On rencontre des jeux semblables dans de nombreux endroits de Wallonie : en 1954, on ne dénombrait pas moins de 26 communes où l’on jouait aux cartes pour remporter des cougnous. Aujourd’hui, Andenne reste l’une des dernières communes où la tradition perdure et où elle suscite le plus grand engouement.
Et le cougnou alors ?
Le cougnou est une viennoiserie ancienne typique de la Belgique et du nord de la France. C’est un pain brioché auquel on ajoute des raisins secs ou du sucre perlé. Si elle a souvent changé au fil des siècles, la forme actuelle du cougnou rappelle celle de l’enfant Jésus emmailloté.